Pensée des morts
Paroles: Alphonse De Lamartine. Musique: Georges BrassensVoilà les feuilles sans sève
qui tombent sur le gazon
voilà le vent qui s'élève
et gémit dans le vallon
voilà l'errante hirondelle
qui rase du bout de l'aile
l'eau dormante des marais
voilà l'enfant des chaumières
qui glane sur les bruyères
le bois tombé des forêts
C'est la saison où tout tombe
aux coups redoublés des vents
un vent qui vient de la tombe
moissonne aussi les vivants
ils tombent alors par mille
comme la plume inutile
que l'aigle abandonne aux airs
lorsque des plumes nouvelles
viennent réchauffer ses ailes
à l'approche des hivers
C'est alors que ma paupière
vous vit palir et mourir
tendres fruits qu'à la lumière
dieu n'a pas laissé murir
quoique jeune sur la terre
je suis dejà solitaire
parmi ceux de ma saison
et quand je dis en moi-même
"où sont ceux que ton cœur aime?"
je regarde le gazon
C'est un ami de l'enfance
qu'aux jours sombres du malheur
nous preta la providence
pour appuyer notre cœur
il n'est plus : notre âme est veuve
il nous suit dans notre épreuve
et nous dit avec pitié:
"Ami si ton âme est pleine
de ta joie ou de ta peine
qui portera la moitié?"
C'est une jeune fiancée
qui, le front ceint du bandeau
n'emporta qu'une pensée
de sa jeunesse au tombeau
Triste, hélas ! dans le ciel même
pour revoir celui qu'elle aime
elle revient sur ses pas
et lui dit : "ma tombe est verte!
sur cette terre déserte
qu'attends-tu? je n'y suis pas!"
C'est l'ombre pâle d'un père
qui mourut en nous nommant
c'est une sœur, c'est un frère
qui nous devance un moment
tous ceux enfin dont la vie
un jour ou l'autre ravie,
emporte une part de nous
murmurent sous la pierre
"vous qui voyez la lumière
de nous vous souvenez vous?"
Voilà les feuilles sans sève
qui tombent sur le gazon
voilà le vent qui s'élève
et gémit dans le vallon
voilà l'errante hirondelle
qui rase du bout de l'aile
l'eau dormante des marais
voilà l'enfant des chaumières
qui glane sur les bruyères
le bois tombé des forêts
Pensamientos de los muertos
He aquí las hojas sin savia
Que caen sobre la hierba,
He aquí el viento que se levanta
Y gime en el valle,
Y he aquí la errante golondrina
Que roza con la punta del ala
El agua adormecida de los pantanos,
He aquí el muchacho de las chozas
Que rebusca en el brezal
La leña caída de los bosques.
Es la estación en que todo cae
Bajo los golpes redoblados de los vientos,
Un viento que viene de la tumba
Siega también a los vivos:
Caen entonces por miles
Como la pluma inútil
Que el águila abandona por los aires
Cuando plumas nuevas
Vienen a calentar sus alas
En la proximidad de los inviernos.
Fue entonces cuando mis párpados
Os vieron palidecer y morir
Tiernos frutos que, a la luz,
¡Dios no ha dejado madurar!
Aunque joven en la tierra
Ya soy un solitario
Entre los de mi edad
Y cuando me digo a mí mismo:
“¿Dónde están los que ama tu corazón?”
miro la hierba.
Fue un amigo de la infancia,
El que en los días sombríos de la desgracia,
Nos prestó la Providencia
Para que nuestro corazón se apoyase.
Ya no está: nuestra alma está viuda,
Él nos sigue en el sufrimiento
Y nos dice compadecido:
“¿Amigo si tu alma está llena,
de tu alegría o de tu pena
quién te ayudará a soportar la mitad?”
Es una joven novia
Que, ceñida la frente con una diadema,
No tuvo más que un pensamiento
Desde su juventud hasta su tumba.
Triste, ¡ay! en el mismo cielo,
Para volver a ver al que ama
Volvió sobre sus pasos
Y le dijo: “¡Mi tumba es verde!
En esta tierra desierta
¿qué esperas? ¡ya no estoy ahí!"
Es la sombra pálida de un padre
Que murió nombrándonos,
Es una hermana, un hermano
Que se nos adelantó por poco.
Todos esos, en fin, que la vida
Nos quita un día u otro,
Arrancando un pedazo de nosotros,
Murmuran bajo la piedra:
“Vosotros que veis la luz
¿os acordáis de nosotros?
He aquí las hojas sin savia
Que caen sobre la hierba,
He aquí el viento que se levanta
Y gime en el valle,
Y he aquí la errante golondrina
Que roza con la punta del ala
El agua adormecida de los pantanos,
He aquí el muchacho de las chozas
Que rebusca en el brezal
La leña caída de los bosques.